Vendredi 6 Mars 2020
Palais des Congrès
Liège
Questionner la place de la pratique psychomotrice avec de très jeunes enfants, en santé mentale, tel est l’enjeu de ce sixième colloque organisé par l’ASBL Aire Libre.
Le premier langage du bébé, c’est son corps. Ce corps que l’enfant engage pour découvrir le monde, ce qui l’entoure, pour « se découvrir », nous dirait Catherine Potel. Ce corps est aussi le premier outil de rencontre avec l’autre. Le dialogue tonico-émotionnel, cher à J. Ajuriaguerra et aux psychomotriciens, nous renseigne sur l’état affectif du bébé.
Au cours de ce colloque, nous porterons notre attention sur le développement précoce. En psychomotricité, les axes de prise en charge touchent à la sensorialité, à la proprioceptivité, à la posture, à la motricité, tout comme aux aspects relationnels. Notre travail pourrait être d’améliorer le confort, la sécurité et la santé des bébés, qu’ils soient nés prématurément, nés avec certaines difficultés, ou encore que leurs parents soient fragilisés par des expériences de vie particulièrement douloureuses.
Nous nous questionnerons aussi sur ces jeunes enfants, ces familles que nous recevons très régulièrement, et qui proviennent d’autres cultures, dont les parents parlent d’autres langues. Ils nous invitent à enrichir notre regard sur eux, sur nous.
Enfin, accompagner des bébés vulnérables oblige les professionnels à réfléchir de manière pluridisciplinaire. Cette nécessité sera également au centre des questionnements de la journée.
Psychomotricienne CAMSP, libérale et ISRP, Formatrice, Chercheuse en médecine néonatale et Docteur à l'Université Paris Descartes.
Psychomotricienne, Unité Parents Bébés au Centre hospitalier de Toulon-La Seyne-sur-Mer, Formatrice Bilan Sensori-Moteur et Approche sensori-motrice A. Bullinger
Pédiatre, formée aux soins de développement NIDCAP, Responsable du Centre de Santé Les Bégonias de Bruxelles, Enseignante en Psychomotricité à l'Institut Ilya Prigogine
Pédopsychiatre, Professeur à l'Université de Paris Descartes, Chef du service de médecine et psychiatrie de l’adolescent à l'Hôpital Cochin, Chef de file de la psychiatrie transculturelle en Europe.
Graduée en psychologie, Psychomotricienne formée au travail psychothérapeutique parents-bébé. Maître de formation pratique et Coordinatrice pour le bachelier organisé en co-diplômation HELMo/HEPL à Liège.
" Même très fragile, un bébé dispose de compétences sur lesquelles il convient de s’appuyer pour lui donner confiance et donner confiance aux parents afin qu’il puisse se développer au mieux de ses possibilités. "
Très tôt dans la vie, dès la naissance même, c’est par le corps que le bébé va exprimer ses états de stress et de bien-être sous-jacents. Tout signe corporel peut être interprété comme une manière de communiquer un vécu, et parfois une souffrance, à son entourage. Un adulte capable d’observer le bébé pourra mieux le comprendre et s’adapter à ses besoins.
Lors de l’exposé, quelques situations de troubles de la relation précoce parents-enfants seront analysées ainsi que leur impact sur le développement du bébé. Une attention particulière sera accordée aux symptômes régulièrement observés en clinique pédiatrique, tels que les troubles du sommeil, du tonus ou de l’alimentation.
Le soin peau à peau est actuellement une pratique de soin courante au sein des services de médecine néonatale. Il a déjà montré de nombreux bénéfices pour le nouveau-né prématuré et ses parents.
Néanmoins, comme tout soin, il est nécessaire de mieux définir sa pratique, et d’explorer la potentialisation de ses bénéfices potentiels. Aude BUIL a investigué au cours d’une recherche doctorale l’impact d’un changement d’installation lors du peau à peau en réanimation néonatale.
L’hypothèse est que l’installation novatrice en Flexion Diagonale Soutenue (FDS) serait une voie d’amélioration, non seulement en termes d’opportunité interactionnelle individualisée parent-bébé, mais également en termes de soutien à la construction de la parentalité, et en termes de prévention posturale et motrice du nouveau-né prématuré.
Cette recherche a été menée auprès de quarante-deux grands prématurés nés entre 27 et 32 semaines, et leurs mères, du tout premier peau à peau jusqu’au 3 mois d’âge corrigé du bébé.
La recherche met en évidence que la pratique du soin peau à peau peut être améliorée avec l’installation en FDS, en soutenant physiquement le nouveau-né prématuré, et psychiquement sa mère, et enfin, en enrichissant la communication multimodale mère-enfant et en leur offrant l’opportunité précoce d’être plus sensibles l’un à l’autre comme socle de rencontre.
Le Bilan Sensori-Moteur A. Bullinger nous permet de détecter les déséquilibres, les fragilités et dysharmonies possibles au niveau sensori-moteur, relationnel, ainsi que celles des représentations de notre organisme. Il nous indique les signes d’appel au niveau neuro-moteur mais aussi affectif et relationnel par la qualité des interactions engagées. L’équilibre sensori-tonique développé par Wallon et enrichit par André Bullinger est essentiel pour soutenir l’enfant dans sa relation au monde. L’évaluation de la réponse à un flux sensoriel dans ses composantes toniques et posturales va nous indiquer la façon dont le bébé s’organise.
Bilan effectué en présence des parents, quelque soit l’âge de l’enfant, le bilan sensori-moteur nous permet d’évaluer, en direct, les modes de fonctionnement adopté par le bébé au sein des interactions familiales. Etre l’interprète des difficultés de l’enfant nous permet de l’accompagner au plus près de la dynamique familiale pour essayer d’ajuster nos représentations à son mode de fonctionnement. Ces propos seront accompagnés par quelques exemples cliniques.
Dans une société, tout est inscrit dans un contexte spécifique. La psychothérapie (les soins psychiques), comme les modalités d’apprentissages ou de rééducation, quelles qu’elles soient, font partie d’un contexte qui les informent et les rendent légitimes. Toute technique, qu’elle soit d’abord corporelle ou psychique, est inscrite dans son contexte. C’est pourquoi, si on se contente de répéter ce qui existait à la génération antérieure, on court le danger non seulement de s’assécher et de perdre sa créativité mais, plus encore, de rendre caduque notre manière de penser et de faire, tant d’un point de vue épistémologique (les autres disciplines continuant elles à se transformer), que d’un point de vue technique (les patients risquent de se diriger vers des manières de faire plus cohérentes avec leurs nécessités immédiates et leurs manières de les vivre et de les exprimer). Et par ailleurs, on risque de ne pas pouvoir soigner les populations qui en ont le plus besoin. Ainsi dans notre monde où il y a tant de cultures différentes, la diversité culturelle questionne nos manières de faire avec les parents et les bébés et cela, depuis plus de trente ans, dans tous les pays d’Europe.
La construction de parentalité est un moment de vulnérabilité spécifique des mères migrantes particulièrement, et de leurs bébés. Il nous faut donc intervenir pendant la grossesse si besoin, et dans les tous premiers moments de la mise en place des interactions précoces parents-bébés, et ce de manière adaptée, non pas en disant aux parents comment il faut faire, mais en soutenant leurs propres mouvements individuels, familiaux et collectifs. Se pose aussi la question de la transmission parentale dans un monde qui n’est pas le leur et qui les accueille plus ou moins bien. Nous montrerons l’importance de la transmission de la langue maternelle pour structurer le rapport au langage des tous petits. Il nous font apprendre à évaluer la relation précoce dans son contexte migratoire pour mieux prendre en charge les troubles éventuels.
Aimer nos différences pour bien s’occuper des parents et de leurs bébés, le plus précocement possible, avec humanité et générosité.
Plus d'informations :
En conviant les parents au sein des séances dans la salle de psychomotricité, il s’agit de s’engager corporellement avec l’enfant, et de l'accompagner dans son expressivité afin de co-construire une progressive compréhension de son rapport au monde.
Il s’agit encore de nouer en direct ce qui est mis en jeu en séance, avec les récits qui relatent la vie quotidienne, en famille, comme avec ce qui est renvoyé par le réseau. Puis identifier avec les parents des besoins spécifiques, trouver des pistes, et rendre visibles des micro-changements chez l’enfant.
Ce travail est un processus non linéaire, il faut tenir ensemble les morceaux épars laissés par l’expérience de traumatique de la confrontation à la différence. Celle qui produit une rupture dans le continuum de ce qui était anticipé autour de l’enfant et rêvé de la filiation, et qui s’inscrit au niveau corporel, dans la rencontre tonico-émotionnelle. Par le biais de l’expérience interactive, enfant/parents/psychomotricien, ce qui prend sens, vient nourrir de nouvelles représentations, une façon d’être et de se sentir parents de l’enfant qui va suivre un chemin différent de développement.
Pendant l’intervention, Judith Kazmierczak mettra en forme et en danse quelques passages du récit de Cécile Wéra.
Esplanade de l'Europe, 2
4020 Liège, Belgique
Avec le soutien du Centre Babel
Centre de Ressource Européen en clinique transculturelle